Le Juge de Paix du Dark Dog Moto Tour 2005 : Val de Reuil - Thonon
pom pom pom pom...
Il était temps de quitter la Normandie, avant que le ciel de tombe sur la tête (fort heureusement casquée) des concurrents du Dark Dog. Pas loin de 800 bornes à se cogner en effleurant Paris en Direction des Alpes suivi d'une spéciale de nuit, ça risquait de tomber comme à Stalingrad. On a été servis.
Pourtant, ce matin, ça partait plutôt bien. Après une première journée de course hier sans incident, ou presque, je sentais bien le Major Kruel réussir une fois de plus à dépasser les limites du possible sur la chose noir mat. A la fraîche il m'avait confié avoir "parlé" à sa monture pendant la nuit :
"C'était un rêve, Klink, un étrange rêve ! Je te la résume vite fait parce qu'on va y aller... Au début c'était confus, y'avait plein de gros mecs avec des tee-shirts à tête de loup (lire : les 7 Familles de Motards) avec leur larfeuille dans la poche arrière, des chapeau de cowboy et toute une foire de trucs bizarres et tout ça... , un rêve étrange, j'te dis, (il dit beaucoup "et tout ça..." Kruel, quand il n'a pas envie de finir une phrase). Puis l'instant d'après, j'étais à côté d'elle... elle était nerveuse... elle avait l'oeil inquiet d'une bête qu'on vient de pièger... (il met aussi beaucoup de "...", Kruel, quand il a envie que tu l'écoutes).
Moi, je ne bougeais pas, je la regardais. Je me suis approché d'elle et je l'ai carressée, toujours tout doucement. Elle a d'abord eu comme un frison et est partie en arrière, juste un peu... Je me suis approché d'elle à nouveau et j'ai passé ma main gantée sur le haut de son réservoir... douuuuuucement, j'y disais... et là, tu vas pas m'croire, Klink, j'me suis mis à lui parler... j'te raconterai pas c'queue j'y ai dit, j'ai pas le temps parce qu'on va y aller là, mais pour te la faire courte, note bien ça, et tu peux le dire aux autres aussi, je sens qu'aujourd'hui, je vais la dresser."
Puis ce fut le silence radio, le début d'une journée d'angoisse. Il a beau dire qu'il récupère en roulant, la journée s'annonce longue. Puis le téléphone : Kruel arrêté près d'Avalon auprès d'un pilote de Kawa qui s'était loupé au freinage : clavicule cassée. Alors qu'il attendait les pompiers, Kruel m'annonça que la Direction de Course avait décidé d'annuler l'étape pour raison de sécurité : direction Thonon sans passer par les chekpoints. Une journée de confusion, car une heure plus tard je recevais un appel de Satanas et Diabolo dans le camion d'assistance : ils avaient (encore !) perdu le pilote ! Et pour cause : la course était repartie et le mec sur un truc noir mat était reparti sans prendre la peine d'informer le Q.G. pour nous avertir du changement de programme... un bordel que même en Louisiane ils n'ont pas fait mieux.
Je retrouvais l'escadron au complet au départ de la spéciale à Aigrefeuille, 4,5 kilomètres dans les monts du Morvan. De la petite route bosselée, dans des sous-bois. Après toutefois une grosse frayeur car la radio de la course a émis un terrible "la Norton.... scrouiiiiiitch.... cassé.... bord de la route.... scrouiiiiiitch" et aussitôt un des volontaires présents sur place parti en remontant la parcours, laissant l'assistance et le QG dans les affres du doute pendant quelques minutes pour finalement apprendre qu'il s'agissait d'une banale panne d'essence.
"Hyper dur !" ce furent les seuls mots du Feldmarechal Kruel avant le départ de la spéciale. Pour la première fois depuis le début de la course Gaëtan commence à se sentir à l'aise : il a dressé la bête ! Oubliée la fatigue, le truc noir avec un mec dessus fini 7ème des classiques (je vous rappelle qu'il a décidé d'y aller tranquille pour finir le tour... hum hum...) malgré une moto fort inconfortable à la fourche en bois et au pneu arrière voltigeur qui fit vivre des moments d'angoisse aux commissaires de piste à l'occasion d'une belle glissade en pleine bourre.
Le temps de lâcher une fois de plus l'assistance bloquée derrière la spéciale, et Gaëtan filait sur Thonon, attendu par de nombreux volontaires outillés. Bernard Bracam, John, entre autres Suisses, Jean-Luc, de Lyon, et d'autres dont je n'ai pas le nom, tous étaient là, prêts à complètement dépouiller la moto, au besoin, mais au final il n'a s'agit que d'une "révision", au plus... "Le plein d'huile, de carburant, m'ferez la pression des pneus, 'prenez la carte Total ?". Au sortir d'une étape qui fut à la compétition motocycliste de qu'est Paris-Roubaix au cyclisme, la bête est domptée et c'est plutôt encourageant pour la suite.
A cette heure je ne dispose d'aucune image de la journée et la Norton n°167 est partie à 1h09 pour 85 kilomètres de route avant d'atteindre la spéciale de nuit de 4 km qui viendra conclure une journée éprouvante. De la bouche de Kruel, il en ressort beaucoup d'émotion, un grand élan de sympathie et de solidarité, bref, de l'aventure humaine de grande qualité.
La spéciale de nuit :
Pour ce que nous en savons il semblerait que notre Kruel se soit une fois de plus très bien comporté au guidon de son missile roulant : 10ème (?) de la spéciale de nuit, mais il aurait sans doute pu faire mieux sans quelques soucis d'éclairage. A noter qu'à l'issue de cette course épique la colère de certains commence à monter.
Notre Kruel, lui, commence à se sentir de mieux en mieux, faut dire qu'il est dans son élément. C'est pas un ancien étudiant qui est venu ici pour se faire peur, c'est un guerrier.
KLINK
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