Ça doit être moins chiant d’être philatéliste
Collé sur cette machine je me dirige vers les lumières artificielles de la ville étape, Thonon les bains où m’attend l’intendance.
Direction le port et arrêt sur un trottoir sans lumière, la grosse chose noir béquillée je me démunie de cette carapace ou mon visage macère, pour sentir la fraîcheur et le son des caillebotis du lacIl ne faut pas perdre de temps, mais notre équipe est renforcée par JOHN OSWALD président du club 59 Suisse , de Jean Luc TEYTON de moto anglaise.com de notre ami Bernard Bracam, de Philippe Herman qui c’est occupé du ravitaillement .
John OSWALD >>
Le site de son club http://www.fiftynineclub.ch/
On fait le bilan de la moto, ce ne sera que de l’intendance et ajouter le phare additionnel.
Deux heures de travail ou l’équipe de « pro » intervient sur la machine, une bonne occasion aussi de converser avec les potes de moto anglaise.com, nos discussions n’étaient jusqu'alors que virtuel et content que nous échangions quelque chose de palpable.
Bernard et Philippe sont attentifs, l’occasion de se voir, mais je suis dans un flottement intérieur, soucieux de cette épreuve de nuit, à quelle heure je vais partir ?
<< Jean Luc Teyton
Le point sur le road book, le temps qu’il fait la haut, l’état de la route, bilan physique, mental.
Un journaliste m’interview, Klink me téléphone pour le bilan de la journée, je prend des nouvelles de Gégé, de ma petite famille un peu inquiète qui se résume à la dimension d’un portable ou sortent des sons de soutien.
Quelque fois on peut remercier le progrès, l’occasion aussi de savoir que l’on a plusieurs rôle et que papa ours doit pas faire de conneries…
Ci-dessous : Philippe, Jean Luc, une copine a philippe, John , Bernard , Chet (Photo : Dr Kurtz)
On remet la moto en parc fermé, départ à 1 h du matin, on ne va pas se coucher de bonne heure.
Voila l’instant convivial du repas, l’instant ou on peut enfin se lâcher, penser à autre chose. La nourriture est simple mais on y prend plus de plaisir qu’à un repas de famille forcé. L’heure tourne, la rotation des aiguilles augmentent la pression. John et Jean Luc partent dans leurs foyers respectifs, la route va être longue pour eux aussi, on promet de se revoir, mais dans un contexte plus cool, j’ai été touché par leur présence.
Que la montagne est belle (en voyant tomber les hirondelles…..)
Ça va être l’heure, je prépare mes affaires et me dirige vers la moto, on est accompagné par des motards jusqu'à la spéciale du « Col de la Joux Verte », soit 40 bornes de montagne, logiquement on devrait être un groupe de 15, mais on se retrouve plus que deux avec Gérard Bernier en 125 s3 de chez Honda.
La montée est interminable, je roupille pratiquement sur la moto, ça n’avance pas, il caille et j’ai en visuel le petit mono poumonesque qui rame dans les cols ; c’est terrible et je suis inquiet.
Enfin on arrive au bout du monde, des bécanes attendent. On devine l’immensité du relief dans la pénombre, c’est particulier, tu vois les motos au départ, le vrombissement des moteurs, les lueurs des phares s’enfoncer dans la montagne et puis plus rien et ainsi de suite.
Les pilotes en attente se rassurent ; c’est très fréquent comme attitude avant une spéciale. Ici il n’y a pas de gros durs, on sait tous que l’accident peut être fatal. Et puis tu attends ton tour et tu te retrouves devant le compte à rebours. Tu n’as fait aucune reconnaissance, la route est humide, le phare additionnel ne te satisfait pas, tu pouasses………
7,6,5,4,3,2,1 la commando s’ébroue : en face toi , des falaises, des sapins... minimiser les temps de réaction, gauche ? droite ? Tout te saute à la gueule, des armées d’ombres t’entourent, les gilets fluos des commissaires t’indiquent une présence humaine... ta visière est ouverte, le vent te fouette la gueule, le souffle de la bouche te réchauffe le nez, les yeux sorti de la tête, ne pas faire le con, ne pas faire le con, Toulon... Toulon... Je profite d’une ligne droite pour mettre des watts... j’entend des cliquetis sur mon garde boue avant :
« Merde, des graviers !»
virage à gauche, rétrogradage, remettre les watts, la roue chasse, je suis plus sur le bitume, je ne vois plus rien... les sapins en face, éviter les sapins, gauche, accélération, droite, DRRRRRRRROOIIIIIIIITTTTTTTTTEE !
Ca passe, j’ai vu une moto dans le fossé, gauche, changement de vitesse à coup de latte, avoir assez de puissance pour me sortir de là, ça passe et enfin la ligne d’arrivée dans une odeur d’huile chaude et de sueur avec le soulagement de se dire « c’est fait !», je reste vigilant, mais je me relâche en conduisant la moto sur un filet de gaz, seul sur cette route montagne dans la nuit avec en fond sonore la résonance du son de la commando.
Direction Thonon
Je descend donc le col avec les virages à la con caractéristiques des routes de montagne losque soudain je vois une lueur de phare derrière moi : c’est Bracam qui me double avec la buse (Hayabusa). Je garde le contact, mais ralentis sur route mouillée et je vois cette silhouette noire, haut perché sur sa moto, prendre des angles qui m’impressionnent : sa bécane est littéralement collée à la route. J’arrive pas à comprendre comment il ne décroche pas et je pense qu’il faut avoir une sévère confiance en son matériel pour arriver à ça ; confiance que je n’ai pas en la commando. Je profite d’un ralentissement de sa part pour repasser devant, la route est sèche, Je vais donc cartonner avec la Norton. Loin de moi le fait de mettre en valeur un orgueil ou des capacités de pilotage digne d’un adolescent prépubère, mais pour tout dire, c’est le seul moyen que j’ai de lutter contre la fatigue, de garder mes sens en éveil.
A entendre gueuler mon bicylindre, je pense que l’on doit approcher des vitesses de 150/160, la Norton sur le sec tient bien le pavé. Je garde un bon souvenir de cette descente, l’occasion de partager un moment de moto, loin des débats virtuels auxquels nous sommes souvent confrontés.
Arrivé dans la vallée, la DDE à mis en place une déviation qui rallonge le parcours ; je n'en tiens pas compte. C’est donc avec une détermination totale que je laisse mes empreintes sur un bitume tout frais avec en guise de spectateur un mec de la DDE, orange comme un Ukrainien ganaïsé de frais, qui lève les bras au ciel en gueulant... "Gana est grand... gloire à Gana..." enfin, c'est ce que je me dis, lui, il devait plutôt plonger dans son bestiaire pour en sortir tout plein de noms d'oiseaux.
Et enfin Thonon, il est trois heures du matin.La journée a été longue, je regarde les résultats, 11è sur 39 en classique sur la spéciale et 94è sur 155 au scratch promo.
Philippe est là, fidèle au poste dans son magistral rôle d’intendant, il c’est occupé de la résa de l’hôtel, c’est donc en direction du Rubiks Cube accompagné de Bernard Chet et Kurtz que nous allons trouver refuge pour un sommeil réparateur, demain c’est les alpes, ça va être dur, les images de la journée s’enchevêtrent dans mon cerveau et je sens encore le vent qui me caresse le visage, cela sera ma seul caresse du soir...
KRUEL
... à suivre ...
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