C’est par un WE automnale ou les feuilles mortes se ramassent à la pelle, le temps est incertain et nous sommes devant une porte de garage dans la banlieue d’ORLEANS. L’homme me dit : « Tu vas voir, tu vas me dire ce que tu en penses ». Cet homme, ça fait bientôt 5 ans que je le connais, une rencontre hasardeuse dans les espaces virtuels, ses jouxtes verbales déclenchaient chez moi quelques fou rires, acrobate du vocabulaire, roi du looping verbal , cet homme, c’est le triste Sieur Bonduel.
La porte du garage s’ouvre et je vois enfin l’engin accompagné d’une speed triple. La première impression, cela fait une petite moto, c’est incroyable, on dirait presque une 125, je sais pas si c’est le fait d’avoir eu récemment une poussée de croissance extraordinaire (mes proches vous le diront), mais j’avais le souvenir d’une machine imposante, à titre de comparaison, je suis devant cette moto un peu comme un adulte qui retourne dans la cour de récréation de quand il était môme, tout paraît sous dimensionné.
La Commando, c’est toujours une moto qui m’a impressionné, je sais pas si c’est le nom (NORTON , ça pète bien, appuyé de « commando » on est dans l’esprit guerrier) ou l’allure générale de la moto, la forme des carters, le logo de réservoir et surtout ce moteur légèrement incliné vers l’avant. Un chose est sur, cette moto fleure bon l’artisanat, elle fleure bon une industrie d’après guerre, ou l’ouvrier arrivait encore à vivre de son labeur, ou l’homme gagnait sa vie grâce au savoir , le travailleur manuel dont l’apprentissage était reconnu, loin des machines à commandes numériques, des actionnaires peu scrupuleux, qui transforment la moindre heure de travail à des coups prohibitifs en mettant des cargos de « laissés pour comptes ».
Je vais pas vous faire une leçon de politique, mais les espaces VIP m’enmerdent (sauf ceux du team Motrhino - NDLR), les 4x4 et les grosses berlines en milieu urbain, les boulimiques de technologie et de progrès. Quand je vois ses vieilles anglaises, je pense à cette époque révolue, ou l’homme et l’économie à une époque auraient pu prendre un autre virage, plus basé sur le partage… raté ! pas de repêchage, le salon de l’avion privé peut avoir lieu (les ventes sont en hausses).
Cette NORTON est un modele 850 MK2 de 1974 avec 14550 miles au compteur, un import us avec petit réservoir (11 l), elle est d’une couleur rouge pailleté, quand tu la regardes tu te croirais au LIDO (le noir vous va si bien ). Le guidon est large , les pneus sont fins (4.25 par 19 à l’arrière).Elle est équipée d’un carburateur mikuni en remplacement des deux AMAL d’origine (ce que je considère comme une bonne chose) Le BONDUEL me saute dessus : « Alors ! alors ! Tu la trouves comment ? J’ai fait une affaire ? » Difficile pour moi d’être objectif, sachant que la personne qui me pose la question m’héberge gratuitement depuis deux jours, m’a payé un kebab à Vincennes , vous fais chauffer votre café le matin et se sacrifie afin que vous passiez un bon WE . Difficile de dire à cette même personne « ta moto , c’est une grosse merde », je suis plutôt franc du collier, mais quelque fois en échange de quelques bien matériels, je fais dans la diplomatie… je flingue avec un silencieux. C‘est donc d’une réponse rassurante dont mon ami Bonduel ce sent réconforté sur l’investissement financier de cette machine, mais toute fois je note quelques bricoles en ce qui concerne de la boulonnerie non d’origine, rien de grave, de la pignolade.(voir photo pour l’état général)
Passons aux choses sérieuses, écoutons le moulin. Je vais vous éviter les 20 lignes journalistiques habituelles sur le cérémonial du démarrage d’une anglaise, parce qu’on a autre chose à foutre. Elle tourne bien, mais toute fois, quelques ratés d’allumage. On entend légèrement la culbuterie à froid, ce qui est normal, la transmission primaire (à chaîne ) est silencieuse, le bruit est étouffé par les contre cônes (non d’origine pour une mk2, mais on s’en branle) spécifique à la marque. Un coup d’accélérateur permet de voir l’inertie, toujours rigolo de voir ce moteur bouger dans le cadre, mais l’allumage me paraît un poil défaillant, elle pétarade sérieux dans les montés en régime. Un vis platiné crache plus que de raison, on le nettoie sans que cela soit concluant…..Mais bon, il faut que tout soit à température, le temps est humide…..vite une ligne droite et un 140 compteur pour que tout rentre dans l’ordre. Kick ! Kruel, jamais à court de forme Je grimpe sur la commando coup d’accélérateur et là me reviens quelques souvenirs, j’ai moi-même possédé ce model de NORTON , j’ai beaucoup roulé avec, une machine que j’avais restaurée entièrement.
Le temps passe, les choses que l’on a aimés, avec lesquels on a partagé laissent des souvenirs, et c’est le piège, hors de questions de partir sur des acquis, tout est à recommencer, viens ici sale bête, on va jouer.
Mauvaise joueuse la fille cale en première, c’est la particularité de l’embrayage à diaphragme. Il manque de progressivité à froid. Les premiers tours de roues se font en ville, et j’avoue que je sens moitié le truc, le freinage est difficile à doser, l’allumage n’est pas au mieux et de plus quelques gouttes commencent à tomber. La speed triple m’indique la sortie de ville et c’est avec grand plaisir que je monte le moulin progressivement dans la zone des 140 km/ h (compteur) soit à peine 90 miles, j’effectue une décélération afin de voir si tout est rentré dans l’ordre au niveau de l’allumage…..c’est le cas la moto marche très bien, elle est incroyablement souple, un ralenti terrible, un régime moteur d’une régularité extraordinaire autant dans les bas régimes que dans les hauts régimes, cette moto est d’une grande docilité, on est loin du tempérament brutal des légendaires mécaniques indomptables en provenance de notre cher ALBION. Deux raisons à ça, la 850 est l’évolution des 750, elle à gagné en couple moteur et en fiabilité pour des performances sensiblement identique. Donc la 850 est une machine que je qualifierai de « civilisée », je vais pas m’étaler sur le débat des « vraies NORTON » et des « fausses NORTON », j’explique…
Pour le pur, la 750, c’est la vraie. Débat que je trouve complètement stérile, sachant que j’ai eu l’occasion de batailler avec ma 850 et une 750………personne à déposé l’autre, que ce soit sur départementale ou sur une nationale, toutefois, il est vrai que le moteur du 750 monte plus dans les tours, donc il serait un poil plus à vocation sportive.
Mais il faut arrêter avec ses clans dans les clans, sinon tu montes un club spécifique sur les NORTON qui sont sortis d’avril 1969 à juin 1969. Je vous rassure, c’est les mêmes problèmes entre les 650 triumph et les 750 triumph, les vrais, les fausses..Le vrai kir, la vraie paella, le faux con, le con d’or… LES RATS PASSENT , LE SOUVENIR RESTE. La deuxième raison du fonctionnement du moteur à BONDUEL(le pauvre, il y est pour rien en plus), c’est qu’il est équipé d’un mono carbu mikuni, qui à mon sens est une bonne transformation.(chose qui existait à l’époque mais avec un carbu SU) Les points positifs sont : Rendement commun pour les deux chambres de combustion, économie, souplesse, facilité de réglage, longévité. Le point négatif : Manque peut être un poil de pèche entre 2500 et 4000 Pareil, pour les bi carbus, des mecs vont te dire que la « vraie commando » c’est en bi carbu, c’est super le bi carbu, tu passes ton temps à les régler sachant que le AMAL (soit qui y pense) est un carbu très simple, mais qui s’use en 7/8000 bornes, très souvent tu as un rendement différent sur les deux carbus, chose que tu subis dans les bas et mi-régime, très agréable en ville. La seule solution, c’est rechemiser en laiton les boisseaux et réaléser les corps de carbu, en les montant sur une pipe souple, on a un résultat intéressant.
MAIS ATTENTION, je vous sors un bouquin de 300 pages pour expliquer comment fiabiliser votre commando en vous expliquant que c’est la meilleure moto……….SIC ! Rigolez pas, on voit ça, les GUZZISTES, qui ont la meilleure moto du monde ont sorti un truc gigantesque pour expliqué comment entretenir et fiabiliser sa MOTO GUZZI. Je suis pèté de rire à chaque fois.
La boite sur NORTON est bien étagé, elle permet une vitesse de croisière de l’ordre du 130/140 km/h sans avoir l’impression d’être sur un BAYGON vert (celui qui fait « krrr ! krrr !) chose que l’on retrouve pas sur les triumph classiques, mais l’isolastic y est pour quelque chose. Toutefois cette boite est d’une conception qui remonte aux années trente, le roulement de sortie de boite encaisse, surtout si le primaire est trop tendu. La partie cycle est d’une vélocité que bien des constructeurs actuels pourraient s’inspirer, à cela , une chose essentielle, l’étroitesse des pneus, la mode des motos étant de foutre des gommards d’une largeur démesurée, à croire qu’ils veulent que la bécanes tienne toute seule sans l’aide de béquille centrale, une mode qui doit venir des circuits. Je vous garantis que pour un usage quotidien, un pneu étroit est appréciable, pour la précision, je trouve ce montage redoutable sur petites routes et dans le déplacement citadins et de plus , inutile de déhanché comme un ROSSI pour emmagasiner un virage, le seul point noir, c’est qu’ils sont en 19 (4.25 par 19) ce qui limite le choix dans les qualités de pneu, un montage en 18 permettrait d’avoir des gommes plus performantes.
Je n’ai pas pu essayer la NORTON dans des conditions extrêmes sur les routes viroleuses, le macadam étant trempé, j’ai bien essayé, mais j’ai décroché dans un virage, la route était méchamment glissante, de plus, en cas de gaufrage, il était fort possible que je perde un ami, ce qui me pose pas trop de problème en fait, mon souci premier étant de perdre un pied à terre dans la région d’ORLEANS. L’isolastic est bien réglé, chose essentielle pour une bonne tenue de route, les virages se prenant en motricité sur une commando, lors des décélérations, le moteur par son flottement dans le cadre, peut provoquer un léger flou (ce qui n’est pas le cas sur la machine à BONDUEL) Le freinage avant, mal réglé, le levier de frein étant trop proche de la poignée, il n’assure pas une répartition des forces, mais il faut pas se faire d’illusions , on est loin des freinages actuels (en 32 ans , on s’aperçoit que quelques ingénieurs ont bossés sur le sujet), le frein arrière…….classique, un truc à tambour qu’il faut apprendre à connaître.
En conclusion, je trouve que cette NORTON est très saine, de plus elle est d’origine avec un faible kilométrage, ce qui est une garantie , sachant que l’on trouve nombre de ses machines ou tout le monde à mis ses papates dedans, combien de fois trouve t’on des NORTONS à l’aspect extérieur présentable mais munis de pièces de divers models avec des modifications des plus douteuses (y’en a même qui gonflent ses moteurs). Son prix d’achat est raisonnable en rapport à la cote (une commando se négocie dans les 5500 euros à 7000 euros suivant l’état), on trouve toutes les pièces détachées à un prix raisonnable (même si les prix sont à la hausse), la mécanique est simple et accessible. Voilà une machine collector avec laquelle on peut effectuer de nombreux kilomètres et qui permet de rouler quotidiennement et de plus elle peut redonner le sourire à un motard blasé. C’est le genre d’engin que j’aimerai bien piloter pour un MOTO TOUR (eh bien ce sera chose faite en 2005 - NDLR), va falloir que je fasse une demande écrite au proprio.
Bonduel à donc de beaux jours devant lui, sachant qu’il va falloir qu’il s’adapte à cette machine , chose que beaucoup de motards ont oubliés et à mon avis personnel (qui n’engage que moi), c’est une démarche intelligente, donc je vais garder Bonduel en tant qu’ami, car son évolution est dans une démarche constructive.Et dire qu’il a failli acheter une W650………. On est pas passé loin.. KRUEL
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